DE LA CHICORÉE POUR PROLONGER LE PÂTURAGE D'ÉTÉ
Dotée d'une bonne valeur alimentaire, riche en minéraux et en tanins, la chicorée fourragère est implantée en complément du trèfle et d'une graminée pour sa résistance à la sécheresse, dans le cadre d'une exploitation au pâturage.
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LA CHICORÉE EST UNE VIVACE ENCORE MÉCONNUE des systèmes pâturants en élevage bovin. C'est en revanche une fourragère qui a su trouver sa place dans la rotation des éleveurs ovins de la région des causses du Quercy (Lot). « Elle est utilisée en association avec du ray-gras anglais et du trèfle blanc pour sa résistance à la sécheresse et sa facilité d'implantation, indique Philippe Tyssandier, conseiller en ovins à la chambre d'agriculture du Lot. En conditions de printemps sec, elle a permis de sauver le rendement des prairies de première année d'implantation. Dans des sols superficiels de type argilo-calcaire, sa racine pivotante, à l'instar de la luzerne ou du colza, descend rapidement et s'infiltre dans la roche. »
AGRESSIVE EN SITUATION DE MÉLANGE
C'est cette capacité à puiser en profondeur l'eau et les éléments nutritifs du sol qui lui confère une bonne résistance à la sécheresse. Insuffisamment néanmoins pour assurer le pâturage au coeur du mois d'août, dans un secteur géographique qui cumule des températures élevées et un déficit hydrique très marqué. Mais dans des zones plus tempérées, la chicorée est utilisée pour prolonger le pâturage tout au long de la période estivale.
Les essais menés par l'Institut de l'élevage à la ferme expérimentale du Mourier (Limousin) confirment cette adaptabilité « grâce à une bonne réponse aux événements pluvieux, souligne Éric Pottier, chef du service du fourrage de l'institut. La chicorée fourragère peut se révéler rapidement envahissante. Aussi la dose de semences ne doit-elle pas excéder 3 kg/ha, surtout pour les bovins qui pâturent moins ras que les ovins ». Actuellement, deux semenciers la proposent dans leur gamme. Barenbrug commercialise de la semence pure et un mélange, le Prota Dry Plus, composé de 60 % de chicorée + 20 % de trèfle blanc nain + 20 % de trèfle blanc intermédiaire (voir tableau). Une formulation adaptée au sursemis à une dose de 4 à 5 kg/ha, ou pour l'implantation d'une nouvelle prairie, de 8 à 10 kg/ha. « Dans ce cas, le mélange est associé à 20 kg de ray-grass anglais (un tiers diploïde + deux tiers tétraploïde), ou en situation plus séchante à 25 kg de dactyle, de fétuque élevée, ou d'un mélange composé de 15 % ray-grass anglais + 50 % fétuque élevée + 35 % dactyle », explique Frédéric Bensch, chef de produits fourragers chez Barenbrug. De son côté, Jouffray- Drillaud commercialise de la semence pure et le mélange Protéis Santé qui contient de la chicorée + du trèfle blanc + du lotier, à semer à une dose de 5 kg/ha, en association avec une graminée. La chicorée est semée pour trois à quatre ans. Elle tolère l'acidité (pH 5,6 à 6,2) et doit être réservée aux sols sains, c'est-à-dire non hydromorphes. « Elle n'est pas adaptée aux zones humides où elle se montre sensible à la pourriture du collet. »
UN FOURRAGE TRÈS APPÉTENT ET DIGESTIBLE
Sur le plan nutritionnel, la chicorée présente une faible teneur en matière sèche. « Elle est donc destinée à une utilisation au pâturage, souligne Éric Pottier. Néanmoins, dans le Limousin, nous produisons un enrubannage de qualité, enassociation avec du ray-grass hybride et du trèfle violet. Il est même possible de faire du foin, à condition de semer la chicorée à faible dose, en association avec du dactyle et du trèfle. »
La contrepartie de cette teneur en eau élevée est la production d'un fourrage très appétent et digestible, même au niveau de la tige. Mais pour conserver une valeur alimentaire optimale, il est nécessaire de pâturer la chicorée au stade végétatif, en maîtrisant la montaison par le pâturage ou par la fauche des refus si nécessaire. « La chicorée fourragère est adaptée à un rythme de pâturage intensif, selon un cycle de 21 à 25 jours au printemps, déclare Frédéric Bensch. Pour conserver sa valeur, il ne faut pas la laisser monter. »
UNE RICHESSE EN TANINS À CONFIRMER
L'Inra mène actuellement des essais pour confirmer les teneurs supposées élevées de la chicorée fourragère en tanins et leur action sur la digestibilité des protéines, ainsi que sur ses propriétés antiparasitaires.
« L'intérêt des plantes riches en tanins dans l'alimentation (sainfoin...) est de limiter la dégradation des protéines dans le rumen, pour déplacer une part de leur assimilation dans l'intestin, et ainsi favoriser une meilleure utilisation des protéines du fourrage », analyse Rémi Delagarde, chercheur à l'Inra de Rennes (Ille-et-Vilaine).
Quant aux propriétés antiparasitaires, elles font aussi l'objet d'une étude menée par l'Institut de l'élevage. Elles semblent avérées dans les élevages ovins et caprins. Dans tous les cas, elles présentent surtout un intérêt chez les animaux en première année de pâturage.
JÉRÔME PEZON
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